Here Comes a Lullaby

La jeune femme venait tout juste de quitter le réfectoire pour se diriger vers la cabane en bois. Il était déjà tard et la nuit était noire où seuls les reflets de la lune éclairaient légèrement une partie du Bloc. Des jeunes hommes avaient ramené des couvertures et des oreillers supplémentaires pour le groupe de filles qui était déjà installé dans la pièce. Ils sortirent ensuite pour la laisser passer et ils regagnèrent leur dortoir placé juste en face, à quelques pas de celui des jeunes filles. « Bonne nuit, Chanel. » Elle salua le blocard et entra dans la pièce. Les filles avaient chacune un lit attribué, disposés les uns à côté des autres. Sur la droite, une porte menait à la salle de bains qui était assez spacieuse et rustique. La baignoire, le miroir et l'armoire suffisaient amplement pour un minimum de coquetterie. Certaines avaient déjà rangé leurs vêtements sur les étagères, tandis qu'une pile d'habits propres traînait sur le côté. Les garçons étaient d'une grande gentillesse, remplie de bonté et de galanterie. Ils essayaient au mieux d'améliorer le confort de ces dames qui n'étaient encore que des novices dans ce nouvel environnement. Chanel souriait en voyant que le petit groupe féminin se détendait déjà et semblait décontracté. Certaines s’emmitouflaient dans leurs draps tandis que les autres improvisaient une bataille de polochons. La brune riait et reçut un coussin en pleine figure en s'avançant dans la chambre. Elle se mit à imiter les autres qui en balançaient dans tous les sens, ce qui fît virevolter les quelques plumes blanches qui s'en échappaient. Le son des éclats de rire résonnèrent, ce qui fît tourner la tête de certains blocards qui étaient encore dans les parages, et observaient discrètement par la fenêtre, curieux. « À demain les filles. » Exténuées, elles allèrent s'allonger sur leur matelas, chuchotant pour continuer leurs conversations. La jeune femme leur adressa un large sourire et se dirigea vers la porte afin de sortir de la cabane pour rejoindre les autres blocards.

Ils étaient pour la plupart déjà tous installés sur leurs hamacs, scrutant le ciel étoilé ou ronflant allongés sur le ventre. Poêle à Frire grignotait un morceau de pain, tandis que Minho ronchonnait en donnant des coups de coude à son voisin qui ronflait un peu trop fort. La douce brise de vent s’immisçait sous le porche donnant un air agréable et mélodieux grâce aux quelques grillons qui chantaient. Les torches et les lucioles dansaient sous un amas de lumière brillante. Newt lui fît signe de s'approcher, rassurant les autres garçons qu'elle n'allait pas les déranger et pouvait rester avec eux pour la nuit. « Viens, il y a aussi de la place pour toi. » Elle le remercia d'un mouvement de tête et chercha Thomas du regard. Il était installé un peu plus loin, dormant à poings fermés. Elle s'approcha tout doucement et se pencha vers lui, passant lentement sa main sur sa joue et l'embrassant tendrement sur le front. Il allait bien et c'est tout ce qui comptait. Elle revenait ensuite vers le co-leader des blocards et s'allongea à son tour dans le hamac. La brune faillit basculer de l'autre côté sous l'instabilité du drap coloré, mais trouva rapidement une position convenable. Ce n'était pas d'un confort absolu mais ça ferait l'affaire pour la nuit. Chanel avait préféré dormir à l'extérieur, car elle ne supportait plus le fait de se retrouver dans une pièce confinée. L'air nocturne était bien plus agréable et plaisant, bien que le temps était assez frisquet. Chanel se retourna et tira sur sa couverture afin de la positionner sur elle. En tournant la tête elle pût apercevoir Alec qui était encore éveillé, une bouteille à la main et scrutant l'horizon. En croisant ses prunelles bleutées et pétillantes sous la pénombre, elle se sentit soudainement envahie d'un sentiment de sérénité et de quiétude. Elle put alors enfin fermer les paupières pour entamer son sommeil.

Elle rêvait d'un instant, où Thomas et elle discutaient l'un en face de l'autre, séparés par des vitres transparentes. Ils tapotaient sur des écrans tactiles, le sourire aux lèvres. La seconde d'après, plus rien. Ces courts fragments de souvenirs en disent pourtant long. Et suivit ensuite cette voix dans son esprit. Elle lui était familière, évidemment cela ne pouvait être que lui. C'est comme si il était là juste à côté, lui susurrant des mots doux à l'oreille qui apaisent telle une berceuse. Puis voilà qu'il s'enfuit. On vient de lui arracher son bien-aimé, sans aucun scrupule. Elle l'entendait crier sans pouvoir faire quoique ce soit, et elle se retrouva dans un endroit clos et insignifiant. Qui avait bien pu lui faire cela ? Elle avait envie de hurler, de pleurer. Son seul espoir et son seul compagnon venait de disparaît en moins d'une seconde. Chanel était désormais sur le point de se réveiller. Elle était entrain de gémir et de s'agiter dans son sommeil, mais un geste affectueux la fît se sentir sereine à nouveau.

Derek avait aidé à installer tout le matériel pour les femmes. Loin de lui l'idée de soudainement devenir serviable, mais quel meilleur moyen de cerner les blocards que de passer du temps avec eux ? Cependant, il n'apprit pas grand chose hormis que Poêle-à-frire avait un œil sur une des filles et que Newt était encore remonté contre les blocards... Rien qu'il ne savait déjà. Voyant que Minho avait quelques difficultés avec les couvertures, il vint lui donner un coup de main. Après avoir fait la majorité des lit situés à gauche, il s'assit sur l'un d'eux et souffla un grand coup. Un de ses camarades passa devant lui en lui offrant un sourire, il l'avait déjà croisé quelques heures plus tôt, quand il l'avait aidé à porter Aiden après l'attaque du Griffeur. Thomas, la star du jour. Il lui rendit poliment son sourire, pour faire bonne figure, absolument pas pour autre chose. Derek sortit une pomme de sa poche et croqua dedans, savourant une des rares bonnes choses du Bloc. Il sortit et s'appuya contre le mur du dortoir puis il observa. Les blocards, leurs mouvements ou encore leurs émotions, tout ce qui pouvait l'aider à cerner ces personnes. Tout cela sonnait tellement faux, ils étaient tous d'excellente humeur, riant pour rien et s'amusant ensemble... Comme si ils n'étaient pas enfermés entre quatre murs sans issue. « Je vais gerber ma pomme. »

  Le silence se fit peu à peu au sein du Bloc, tout du moins, il y avait moins d'agitation. Dans un soupir, le jeune homme se leva et se dirigea vers son hamac. Il ne pu s'empêcher de jeter un œil dans le dortoir des filles, qui semblaient bien profiter de leurs soirée. Après tout, que bien leur fasse, surtout qu'elles étaient de plus en plus nombreuses. Cependant elles n'étaient sûrement pas encore au courant de toutes les choses qui se déroulaient, tous les dangers et tous les malheurs qui les attendaient. Il ne troubla pas leur bonne humeur, s'amusant de la folle bataille de polochon dans laquelle certaines d'entre elles s'étaient lancées. Il s'appuya contre l'encadrement de la porte en ricanant. Un oreiller lui arriva dessus, il le rattrapa avant qu'il le percute et le rendit à sa propriétaire qui le regardait, gênée. C'était elle, la fille du repas qui avait parlé avec Aless, elle ne savait pas dans quoi elle se lançait la pauvre. Elle s'excusa et il lui sourit avant de sortir de la pièce, en pleine réflexion, comme toujours. Il percuta Minho avec qui il discuta pendant quelques minutes sur le nouveau poste de Thomas, malgré son apriori assez négatif sur le jeune homme, il acquiesçait à chaque remarques du matons.

  C'est uniquement un quart d'heure plus tard qu'il rejoignit un petit groupe de blocards, tous assis dans leurs hamacs, rassemblés autour d'un feu. Ils se descendaient des shoot de la mixture spéciale de Gally en faisant tourner la bouteille, et Derek ne s'en priva pas ! Quelques blocards s'agitaient encore derrière eux, sautaient, se battait... Après quelques tours d'alcool, Newt se tourna et fit signe à quelqu'un de les rejoindre, une fille. Quand il la vit approcher, Derek se redressa, décidément elle était vraiment partout celle-là ! Newt fit les présentations à ceux qui ne la connaissaient pas, Chanel donc, joli prénom. Elle ne s'assit pas mais leurs sourit puis se tourna vers le jeune homme pour s'excuser une deuxième fois de l'incident qui avait eu lieu quelque instant auparavant. « Tant que tu n'essayes pas de me tuer à coup d'oreiller une seconde fois, tu es pardonnée. » Il lui sourit et la jeune femme s'en alla vers le hamac où dormait Thomas. Quand elle lui fit un bisous sur le front, il laissa échapper un ricanement. « Oh non, il ne se passe rien entre nous ! » S'exclama Minho en imitant Chanel. Il s'arrêta bien vite quand il croisa le regard de braise que Newt lui faisait.

  Il ne mit pas longtemps à s'endormir, l'alcool qu'il avait ingéré toute le soirée y était sûrement pour quelque chose. Il allait devoir courir avec le gueule de bois le lendemain, génial. Son sommeil fut agité, des cauchemars vinrent le troubler et il se réveilla quand il entendit un couinement, suivit d'un cri. Ses yeux ne mirent pas longtemps à s'adapter à l'obscurité, il sortit de son hamac et suivit les gémissements, qui décidément dérangeaient d'autres que lui. Il poussa un soupir quand il comprit quoi, ou plutôt qui en était la source. Chanel se tortillait dans le tissu de son hamac et murmurait des paroles complètements incohérentes. Sa couverture était étendue par terre, elle devait vraiment être glacée. Ne sachant que faire pour apaiser la jeune femme, il resta pendant quelques minutes à la regarder puis décida que ce n'était pas à lui à faire quelque chose, après tout, elle avait plusieurs personnes qui, apriori, tenaient beaucoup à elle. De plus il se voyait guère devoir lui expliquait se qu'il faisaient à se moment là alors qu'elle dormait.

  Derek repartit donc se coucher et s'endormit aussitôt, espérant ne pas devoir se lever une deuxième fois. Cependant son bonheur fut de courte durée puisqu'une main glacée se posa brusquement sur sa bouche.

Lana était arrivée au Bloc le matin même. C'était à rien y comprendre, entre cette sensation de vide étrange qui lui hantait l'esprit, et ces lointaines convictions qui lui disaient de garder la tête froide, de rester calme peu importe la situation. Impossible pour elle de penser en quelque chose de positif. Que fait-elle ici ? Pourquoi ne peut-elle pas partir, reprendre sa vie ? Et quelle vie ?

Assise au fond du lit que les garçons avaient préalablement installé, Lana ne bougeait pas. Immobile, et muette qui plus est. De quoi se faire remarquer au beau milieu de l'agitation qui l'entourait. Pendant que certaines étaient déjà blotties dans leurs draps, d'autres filles du dortoir riaient de bon cœur en lançant des oreillers à travers la pièce. Lana, assise en tailleur, la tête appuyée contre une poutre verticale de la cabane, était stupéfaite de voir autant de gaieté chez des personnes dont l'avenir et le passé étaient aussi incertains. Enfermés entre quatre murs infranchissables, et pourtant si sereins, presque ignorants. Lana était dans un tout autre état d'esprit. Elle était inquiète, presque apeurée. Ne pas pouvoir se souvenir de sa vie, c'était comme habiter un corps dont on a laissé l'âme de côté.

Les yeux fixant le vide, elle remarquait à peine les sourires qu'on lui lançait. Quand c'était le cas, elle s'efforçait de répondre en souriant à son tour. Comme si le moment n'était pas assez embarrassant, la brune sentait une atmosphère lourde flotter autour d'elle. L'air était chaud et peinait à circuler, sans doute à cause de la taille et de la densité de la pièce. Elle qui aimait les grands espaces, elle était servie. À l'extérieur, il semblait y avoir quelque chose de plus agréable. Du frais, des courants d'airs, le ciel et les étoiles. Le tout pourtant cloîtré entre quatre murs. Bien que l'envie y était, Lana ne bougea pas de son lit. Pour sortir, il aurait fallu qu'elle se faufile entre toutes ces filles. Cela impliquait de les frôler, d'entendre et sentir le sang circulant dans les veines de chacune. La tentation était trop forte, elle ne saurait contrôler son appétit animal. « Non, tu ne mangeras pas tes camarades de chambre. », se répétait-elle silencieusement. Alors que son esprit vaquait depuis quelques secondes, quelques minutes peut-être, à la sanglante gourmandise suscitée par les autres filles, Lana dut couper court à sa rêverie. Quelqu'un s'approchait.

Abigail avait été l'une des premières à rentrer dans la grande pièce de la cabane en bois servant de dortoir. Les filles s'étaient chacune disposées sur un des matelas gentiment installés par les blocards, qui avaient encore bien du mal à gérer la situation avec les nouvelles arrivantes. Elles étaient déjà une dizaine en seulement deux jours de temps. C'était comme une file indienne qui venait tout droit de la Boîte, remplissant l'espace verdâtre du Bloc. Les garçons avaient vu juste, Chanel avait bien déclenché quelque chose. Personne n'avait encore fait vraiment connaissance. De toute façon, combien de temps allaient-ils encore rester dans cet endroit clos ? Apparemment le premier blocard est ici depuis plus de trois ans. La jeune femme admirait les efforts des garçons pour avoir réussi à créer un lieu convenable bien que cela n'était pas d'un confort luxueux. Il y a avait quand même tout pour un quotidien respectable. Les blocards s'étaient ensuite diriger vers la cabane en face, laissant alors les filles entre elles. Certaines étaient déjà installés sur les lits, tandis que d'autres tournaient en rond dans la pièce. L'atmosphère était pesante mais cela ne dura pas longtemps. La jeune sorcière reçu un coussin et sursauta avant de le renvoyer à sa destinataire. Tout le monde semblait se détendre un peu après cette longue journée surprenante et riche en émotions.

Peu à peu, des rires se firent entendre et les filles improvisèrent une batailles de polochons. Il y en avait dans tous les sens, et elle ne tarda pas à en recevoir un autre en pleine figure. Abigail courrait en balançant des coussins qui volèrent à travers la pièce, et éclata de rire avant de se laisser tomber sur son matelas. Pendant ce temps, certaines cherchaient un moyen de s'enfuir d'ici, mais elles savaient très bien que cela était impossible. « Tu pars d'un coté, moi je pars de l'autre, et la première qui se fait chopper bah c'est dommage. » Quelques minutes plus tard, le calme était revenu et la moitié des jeunes filles dormaient déjà tandis que d'autres entamèrent des conversations. Dehors, la nuit était noire et à la fenêtre on n'apercevait que les minces lueurs des torches situées sous le porche en face. En n'observait pas les détails, on en aurait presque oublié le Labyrinthe avec ses immenses murs infranchissables.  

La jeune femme s'assoupit un instant, puis n'arrivant pas à dormir, décida de rejoindre une des filles qui semblait à l'écart. Elle s'approcha sans bruit et s'accroupit juste à côté d'elle. Une brune qui visiblement n'avait pas prononcé un mot de la soirée. Il faut dire que leur nouvelle situation n'est pas à prendre à la légère, mais Abigail ne s'en souciait pas pour le moment. Elle lui tendit son oreiller qui avait atterri quelques mètres plus loin. Elle esquissa un sourire et prit la parole. « Je crois que cela t'appartiens. » Les coussins étaient en désordre, mais toutes avaient retrouvé le sien pour aller s'installer dans les matelas disposés sur le sol les uns à côté des autres.

Derek ouvrit brusquement les yeux en grognant, puis dans un geste de dégoût, saisit la manche du blocard et fit tomber sa main dans le vide. C'était Minho, cet abruti l'avait réveillé en lui flanquant sa main dans la figure, génial. Je vais le bouffer. Sachant pertinemment qu'il ne pourrait pas se rendormir, Derek se leva et partit se dégourdir les jambes. Alors qu'il shootait dans la majorité des cailloux sur lesquels il tombait, il entendit des hurlement. Ça n'était pas de la peur, plutôt de la frustration. Il se fit discret et contourna quelques troncs d'arbres afin de voir la source de ce boucan. Une femme, qu'il ne connaissait pas, frappait violemment contre le mur de pierre en s'égosillant. Elle criait son envie de sortir de ce trou, si seulement elle voyait que tout le monde était dans son cas. Quand elle se retourna pour s'adosser contre la pierre, Derek se hissa sur une des branche de l'arbre et la regarda. En voilà encore une complètement paumée. La jeune femme ne resta pas longtemps assise par terre et regagna bien vite le camp. Cependant, de là où il se trouvait, Derek pu voir qu'elle ne dormait pas avec le reste de la gente féminine. Son matelas était installé par terre, loin des autres, sûrement encore une de ces personnes qui en voulaient au monde entier.

Lassé de ce spectacle, le jeune homme s'éclipsa et entra dans le réfectoire. La discussion qui avait eu lieu quelques instants auparavant avait laissé des traces. Verres brisés, chaises renversées et autre. Mais Derek n'était pas là pour faire un état des lieux, il avait faim. Après s'être emparé d'un morceau de porc qu'il mangea cru, il sortit le petit carnet qu'il cachait dans son pantalon. Il y répertoriait tous les noms des blocards, ainsi que leurs faiblesses, et forces pour certains. Il prit une nouvelle page.

Faiblesses : solitude, haine des autres, sang chaud.

Il remplirait la suite quand il aurait un peu plus de renseignements, comme pour tous les autres. Il rangea son calepin et resta un moment assit au sol, devant la cabane, son dos en appuis contre le bois. De là où il se trouvait, il pouvait entendre les ronflements intempestifs de Gally résonnant à travers le bloc. Et puis, comme tous les soirs, il réfléchit. Tout d'abord, à la raison de sa présence - et de celle de tous ces gens - ici, mais sa pensée se dirigea vers le motif de la présence des femmes parmi eux. Il n'allait pas s'en plaindre, ces créatures étaient vraiment des bombes, mais tout ça ne présageait rien de bon, surtout en se qui concernait Chanel. Tous les hommes étaient focalisés sur elle, il devait forcément y avoir une explication. Ok, elle était vraiment belle, mais si tout ceci n'était qu'un plan ? Un plan destiné à tous les faire tuer ? Tout ce qu'il y avait de sûr c'est que Derek ne tomberait pas dans les filets de la jeune femme, ni dans ceux d'aucune autre d'ailleurs.

La jeune femme dormait paisiblement à poings fermés. Juste un calme moment que tous les blocards savouraient, installés dans leur hamac sous le porche de la cabane en bois. Profitant de la nuit étoilée, après une journée de dur labeur. Ils pouvaient presque en oublier leur chagrin et leur douce mélancolie. Une sensation de quiétude planait dans le Bloc. Peu importait les prochaines épreuves, ils étaient là ensemble, solidaires, soudés et unis dans un seul et même endroit. Juste une bande d'adolescents qui n'attendaient que d'être aimés et protégés. Elle avait tellement envie de prendre le rôle de celle qui allait les rassurer et les dorloter. Mais inutile de faire des promesses si on ne pouvait pas les tenir. Ces jeunes hommes étaient brisés et désespérés, abattus par le temps. Il avait besoin d'une lueur de confiance et d'espoir.

Chanel commençait doucement à se réveiller. Elle battait ses paupières ornées de longs cils bruns. En ouvrant les yeux, elle pût s’apercevoir que la nuit était toujours aussi sombre. Elle se redressa et observa brièvement les alentours. Les blocards dormaient encore pratiquement tous, et on pouvait même entendre certains ronfler. C'en était presque adorable de les contempler ainsi, ils paraissaient si innocents et si inoffensifs. Pourtant la dure réalité était encore là, faisant de la majorité, des créatures dotées de capacités surhumaines pouvant se montrer parfois périlleuses et dangereuses. La brune se releva donc en tentant de ne pas les réveiller. Elle marcha sur la pointe des pieds tel un gracieux félin. Elle s'avança ensuite dans la nuit noire, cheminant sur l'herbe fraîche et humide. Ne sachant pas où elle allait, la jeune femme se dirigea vers une cabane située un peu plus loin qui semblait éclairée. Elle remarqua alors une ombre près du réfectoire. Apparemment, ils n'étaient pas tous endormis. L'humaine s'approcha d'un pas serein et silencieux avant de rejoindre le jeune homme qui se tenait devant la porte. Chanel reconnut cet agréable visage rencontré quelques heures auparavant. C'était Derek, le Maton des Cartographes.

Il paraissait réfléchir, assit sur le sol, perdu dans ses pensées. Tout le monde ne trouvait pas le sommeil aussi facilement. « Derek, que fais-tu ici ? » Il agitait ses doigts nerveusement sur son genou, et releva lentement la tête en direction de la brune, dévoilant alors ses jolies prunelles émeraude. Il était quasiment impossible de déchiffrer son expression songeuse et contemplative. La brune patienta alors un moment, puis décida se s'asseoir à côté de lui, appuyant son dos contre la façade de la cabane en bois. L'air était frisquet donnant une douce brise fraîche, ce qui lui procura quelques légers frissons le long de sa peau hâlée. Elle se mit ensuite à la contemplation du paysage obscur, parsemé de petites lucioles scintillantes. Cela lui rappela un souvenir lointain, où ces insectes flamboyants dansaient le long des arbres donnant un spectacle resplendissant. La nuit était si belle et si somptueuse.

Petit à petit les oreillers cessaient de voler, les voix diminuaient, et le calme commençait à se faire entendre. Certaines filles dormaient même déjà, à la grande surprise de Lana. L'euphorie qui régnait ne laissait pas penser que le sommeil envahirait l'espace de si tôt. L'arrêt progressif de l'agitation permit à Lana de calmer ses nerfs un instant, et de se détendre en essayant d'oublier le sang frais qui rôdait autour d'elle, sans pour autant s'endormir. Elle rêvait d'une vie bien faite, idéale, avec une famille aimante, un environnement paisible, un monde en paix, sans soucis. Une utopie bien naïve dans la situation actuelle, où quatre murs font barrage à tout horizon, et où l'on ne peut qu'agir pour le présent, le futur et le passé étant aussi incertains l'un que l'autre.

La fille qui approchait était plutôt jolie et semblait aimable, avec son air sans doute inconsciemment souriant. Son approche signifiait pour Lana devoir faire face de nouveau à la tentation. Mais elle saurait se maintenir, ou du moins elle fera son maximum. L'ambiance qu'il y avait désormais était plus propice à la discussion, ou du moins à l'approche. La jeune inconnue s'accroupit au près de la brune. Ce geste, bien qu'anodin, mit Lana en confiance. Comme si la situation appelait la jeune femme à se souvenir de son passé, une image défila soudainement dans l'esprit de Lana, qui ferma instantanément les yeux. Une femme, accroupie au bord d'un lit, pose ses lèvres sur le front d'une fillette. La tendresse et la douceur du baiser couvrent un lien très proche entre les deux personnes, un lien maternel. Lana, bercée entre deux mondes, ceux du rêve et de la réalité, prononça d'une voix haletante, et en ouvrant les yeux. « Maman ! »

Au même moment, l'inconnue tendit son oreiller à Lana, qu'elle avait sans doute laissé tomber un peu plus tôt, tout en prenant la parole. « Je crois que cela t'appartient. » Lana, confuse, espéra que cette voix avait couvert la sienne appelant sa mère. L'esprit toujours vaquant à ce souvenir, elle esquissa un sourire de remerciement, et, comme si tout était normal, déclara. « En effet, il est à moi. » Elle attrapa l'oreiller tout en mesurant attentivement la force qu'elle mettait dans ses moindres gestes. Elle ne devait pour l'instant éveiller aucun soupçon.

Face à la jeune femme, Lana se rendit compte qu'elle s'était renfermée sur elle-même depuis son arrivée au Bloc. La peur de l'inconnu, le sentiment étrange provoqué par les souvenirs qui la rattrapent petit à petit, et le comportement presque inconscient des autres blocards n'avaient rien arrangé. Mais il était temps que ça change. Pour trouver une solution à ses problèmes, elle devait se joindre aux autres, parler, questionner et s'informer. Y avait-il d'autres personnes comme elle ? Avides de sang humain ? Ou simplement aussi perdus qu'elle ? Intérieurement, Lana éprouvait une grande détresse, avait besoin d'aide et le sentiment que personne ne serait capable de l'aider la hantait. Pire que l'enfermement, la solitude l'effrayait. Et être entouré de monde ne suffit pas lorsque ce monde ne vous inclut pas, lorsque vous êtes différent de celui-ci.
Quoi qu'il en soit, l'une des filles avait fait le premier pas, et Lana vit là l'occasion de se mêler aux autres, de se fondre dans la masse. Ainsi, elle prit une nouvelle fois la parole. « Au fait, je suis Lana. »

Derek resta planté là pendant un long moment, se torturant l'esprit afin de trouver des réponses. Des réponses qu'il n'obtiendrait certainement jamais. Il avait beau tourner et retourner la question dans sa tête, il n'obtint rien, hormis une horrible migraine.

Quand il regarda vers le ciel, le soleil n'était pas encore levé, mais il n'allait pas tarder à se montrer. Il décida donc que ça n'était pas la peine qu'il aille se coucher. Il resta donc assis par terre a tapoter son genoux de ses doigts. Un bruit de feuillage l'interpela, puis une odeur, une humaine. « Derek, que fais-tu ici ? » Chanel. Il leva la tête, encore perdu dans ses pensées. Elle le regardait, semblant vouloir déceler son expression. Impossible ma petite. Il ne répondit pas à sa question, ne sachant pas vraiment quoi dire. Elle s'installa donc à ses côtés et se mit à regarder droit devant elle. Derek suivit la direction de son regard et vit ce qui l'intéressait tant. Les nuits au Bloc étaient vraiment magnifiques, mais elles étaient d'autant plus belles quand on les observait pour la première fois. C'était le cas de Chanel. Elle semblait en pleine admiration devant les insectes dansant à la lueur de la lune. Tu verras quand il t'auront bouffée. Un silence de plomb s'était installé, rendant la scène encore plus étrange qu'elle ne l'était à l'origine. Quand Derek reposa ses yeux sur Chanel, celle-ci n'avait pas bougé d'un poil et ne semblait pas vouloir ouvrir la bouche. Très bien.

Il se leva et épousseta ses vêtements. « Tu viens ? On se les pèle ici. » Chanel se releva à son tour et ils entrèrent tout deux à l'intérieur du réfectoire, côté cuisine. Derek s'assit sur une table, la jeune femme resta debout un instant en le regardant, puis prit place à même le sol. « Alors comme ça tu es le nouvel objet d'attention ici, ça fait quoi de se sentir autant désirée et... Enviée ? » Il fallait le dire, Derek avait bien vu comment certaines filles regardaient Chanel quand les blocards lui tournaient autour, elles auraient rêvé d'être à sa place. Mais pour la première fois dans sa vie, il avait envie d'en savoir plus sur quelqu'un, sans pour autant en attendre quoique ce soit.

Les blocards semblaient soudainement calmes, posés et sereins. Les jeunes femmes retrouvèrent chacune leur matelas respectif et certaines dormait déjà, épuisées de la longue journée. Il y avait tellement de nouvelles choses à accepter. Une situation renouvelée, un endroit inhabituel et des multiples personnes à assimiler. Il fallait s'intégrer dans cette récente communauté. Tous ces jeunes adolescents étaient en quelque sorte similaires. Certes ils avaient tous des caractères et personnalités différentes mais ils créaient une seule et même nation. Impossible d'éviter quelqu'un quand on se trouvait dans un territoire restreint et entouré de murs tels d'imposants remparts. Il y avait tellement de dissimulations à discerner dans cette société.

Lana attrapa alors l'oreiller qu'Abigail lui tendait aimablement. Ce n'était plus le moment de jouer à s'en balancer à travers la pièce. « En effet, il est à moi. » La brune semblait hésitante, mais afficha tout de même un léger sourire. Elle avait l'air perdu et désorienté mais paraissait pensive. Chacun des blocards avaient une multitude de questions sans réponses. La jeune femme souriait également et posa sa tête contre l'oreiller moelleux. « Au fait, je suis Lana. » La jeune sorcière se présenta à son tour et décida de dévoiler une partie de sa personnalité. C'était la seule chose dont elle se souvenait lors de son arrivée. « Enchantée Lana. » Elle s'adossa contre le mur et prit son oreiller en le posant sur ses genoux. Elle tira ensuite sur les deux extrémités afin de le déchirer. Des plumes se renversèrent sur le sol et elle leva la tête vers la brune qui affichait un air surpris et inquisiteur. « Laisses-moi te monter quelque chose. » Elle s'installa confortablement et disposa ses mains à quelques centimètres des plumes blanches. En levant doucement la main, une des plumes s'éleva dans les airs. Puis ce fût ensuite toutes les autres qui suivirent en tournoyant dans la pièce.

La jeune sorcière voulait simplement donner une image positive aux autres jeunes femmes avant de s'endormir. La plupart étaient humaines, mais il y avait tout de même quelques vampires et lycanthropes parmi elles. Comment savait-elle faire cela ? Elle n'en avait aucune idée. Sûrement en avait-ils d'autres comme elle, les blocards s'étant amplifiés dans le Bloc ces derniers jours. Les sorciers étaient des humains ayant la faculté d'influencer leur environnement en faisait appel au pouvoirs de la nature. Liés par un code de loyauté, ils étaient capables d'accroître leur pouvoir en canalisant l'énergie des éléments naturels, donnant une source de pouvoirs surnaturels.

De nature spontanée, Abigail n'avait pas l'habitude de dissimuler des secrets. Du moins, pas toujours. Mais quelque chose lui disait qu'elle allait avoir besoin de ses capacités et de ses compétences très prochainement. Si ces différentes espèces formaient une force incroyable, elle n'osait pas imaginer ce qui pourrait se cacher derrière ce Labyrinthe. Les Épreuves ne faisaient que commencer.

La brune observait toujours les lucioles danser dans la nuit, tout cela dans le plus grand calme. Aucun des blocards ne devraient être ici en ce moment. Ils avaient passé leurs semaines à esquiver les obstacles. Elle connaissait Thomas. Dans son expression, comme celles des autres jeunes hommes, il y avait de la peur et surtout de l'incompréhension. On pouvait lire sur leurs visages des airs frustrés et décontenancés. Elle pensait qu'elle avait eu tort à propos de Thomas. Mais elle s'était rendu compte qu'elle n'était pas en mesure d'expliquer ce qu'elle ressentait pour lui. Il y avait quelque chose c'était certain. Peut-être de la compassion ou de l'affection. Dans tous les cas, il était évident qu'ils avaient un passé en commun.

Le jeune homme se leva ensuite en lui proposant de le suivre au réfectoire. « Tu viens ? On se les pèle ici. » Elle se releva à son tour, et tous deux entrèrent calmement dans la cabane en bois en se dirigeant vers la cuisine. La jeune femme alla chercher une bouteille d'eau. Derek s'installa sur une table tandis que Chanel prit place sur le sol. Ils se regardèrent de longues secondes sans rien dire, quand Derek se décida à prendre la parole spontanément. « Alors comme ça tu es le nouvel objet d'attention ici, ça fait quoi de se sentir autant désirée et... Enviée ? » Elle tourna la tête et faillit recracher sa gorgée d'eau. L'humaine ne s'attendait pas du tout à une telle question. Désirée, sérieusement ? C'était la meilleure. « Je te demande pardon ? » Elle soupira et dirigea ses prunelles vers celles du vampire. Elle ne savait pas vraiment quoi répondre à cela. Elle trouva que c'était une question assez déplacée et irrespectueuse. C'était plutôt audacieux de sa part, mais vu la situation actuelle, il n'avait pas complètement tort. Après tout, c'était une interrogation comme une autre.

Chanel se leva lentement et s'avança vers la table où était installé Derek, de façon à se placer juste en face de lui. « Je n'ai pas choisi d'être ici, on est tous dans le même camp. Je suis peut-être la première fille à avoir rejoint le Bloc mais j'en sais pas plus que vous. Tu fais parti de ceux qui me tournent autour, et je sais que je t'intrigue. » Elle continua sa réplique sans lui laisser le temps de riposter. « Moi, désirée et enviée ? Je suis coincée ici avec une bande de gamins et je devrais m'en réjouir ? » Ce n'était qu'une humaine prise au piège entre quatre murs, avec des êtres vampiriques qui pouvaient l'attaquer à tout moment, des lycanthropes impulsifs et des sorciers extravagants. « Tu veux savoir comment je me sens ? Je me sens perdue et désemparée. Lamentable et consternée car je ne comprends rien à tout cela. » Elle tournait en rond et enfouissait ensuite son visage entre ses mains.

La jeune femme avait la poitrine qui se relevait et retombait lourdement, les nerfs à bout. Elle se sentait mal, très mal. Elle prenait appuie sur la table en manquant de basculer. Elle avait juste besoin d'un moment de répit. Ils étaient tous confus et cela pouvait se comprendre. Depuis son arrivée, les jeunes hommes ne l'avaient pas lâchée d'une semelle. Elle se sentait oppressée et manquait d'air et d'espace. Elle reprit alors son souffle et s'asseyait aux côtés de Derek qui n'avait pas bougé. La brune replaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille et avait le regard perdu dans le vide. Il n'y avait plus rien à ajouter. Le vampire avait eu sa réponse.  

La question ne semblait pas avoir plu à la jeune femme, qui se leva et lui fit face. « Je n'ai pas choisi d'être ici, on est tous dans le même camp. Je suis peut-être la première fille à avoir rejoint le Bloc mais j'en sais pas plus que vous. Tu fais parti de ceux qui me tournent autour, et je sais que je t'intrigue. » Derek n'eut pas le temps de répondre qu'elle déblatéra de nouveau. « Moi, désirée et enviée ? Je suis coincée ici avec une bande de gamins et je devrais m'en réjouir ? » Le pire, c'était qu'elle ne s'en rendait même pas compte. Au moins, ils étaient en accord sur un point. La majorité des personnes avec lesquelles ils étaient enfermés étaient des fichus gamins. « Tu veux savoir comment je me sens ? Je me sens perdue et désemparée. Lamentable et consternée car je ne comprends rien à tout cela. ».

Le jeune homme réfléchit un moment avant de trouver des réponses à ce qu'elle venait de lui sortir. Premièrement, il lui tournait peut-être autour mais pour une tout autre raison que les autres mâles du Bloc, il ne souhaitait pas lui sauter dessus à la moindre occasion. Tout ce qu'il voulait, c'était la cerner, savoir ce qu'elle avait de spécial. Car après tout, ça pourrait être elle, la porte de sortie. Pour le reste, elle n'avait vraiment pas tort, mais comme elle l'avait dit, ils étaient tous dans le même camps. Derek s'était senti agressé par la réponse de la jeune femme, il ne voulait pas que sa question semble blessante. Elle s'installa à côté de lui afin de reprendre sa respiration, elle semblait complètement désemparée. Il lui posa sa bouteille d'eau à ses côtés. « Écoutes, premièrement je ne te tourne pas autour, alors enlèves-toi ça de la tête. Évidemment que tu m'intrigues, tu nous intrigues tous, mais pas pour les mêmes raisons. Cependant méfies-toi, pas tout le monde est clean ici, il se pourrait que des personnes aient de mauvaises intentions. Tu te sens perdue ? Figure toi que tu n'es pas la seule, on l'est tous et c'est pour cette raison que tu peux avoir l'impression que certaines personnes sont grossières, distantes ou encore détestables. Nous ne savons pas quoi faire, ok ? Et c'est dur, pour tout le monde. Et puis, tu t'habitueras à leur immaturité, tu n'as pas trop le choix en fait. »

Il reprit son souffle, saisit une bouteille de la mixture spéciale de Gally et bu directement au goulot. « Et puis, excuses-moi si ma question ne t'as pas plu, mais j'avais besoin de la poser. C'est vrai que dans ma tête, ça paraissait un peu moins grossier mais au moins je connais ta réponse. Profites en,  je ne m'excuse jamais en temps normal » Il se tourna vers l'humaine, et elle fixait toujours un point devant elle, l'ambiance commençait à devenir pesante, vraiment. Il attrapa alors sa bouteille d'alcool et la tendit à la jeune femme. « Tu te sentiras mieux après ça. » Derek ne voulait pas spécialement d'amis, mais s'il pouvait éviter de se faire des ennemis, ça ne serait pas trop mal.

Le jeune homme assis juste à côté d'elle mit du temps à répondre. Sûrement s'était-il rendu compte qu'elle n'avait pas tort en un sens.  En tant que vampire, il pouvait entendre les battements de son cœur, discerné si elle disait la vérité ou non. Il aurait même pu planter ses crocs dans sa chair tendre, après tout ils étaient seuls dans le réfectoire. Il lui posa sa bouteille d'eau à ses côtés et prit enfin la parole.

« Écoutes, premièrement je ne te tourne pas autour, alors enlèves-toi ça de la tête. Évidemment que tu m'intrigues, tu nous intrigues tous, mais pas pour les mêmes raisons. Cependant méfies-toi, pas tout le monde est clean ici, il se pourrait que des personnes aient de mauvaises intentions. Tu te sens perdue ? Figure toi que tu n'es pas la seule, on l'est tous et c'est pour cette raison que tu peux avoir l'impression que certaines personnes sont grossières, distantes ou encore détestables. Nous ne savons pas quoi faire, ok ? Et c'est dur, pour tout le monde. Et puis, tu t'habitueras à leur immaturité, tu n'as pas trop le choix en fait. »

Chanel savait qu'il était sincère. Ils étaient entrain de jouer la carte de l'honnêteté. De toute façon, il n'y avait rien de plus à savoir. Comment découvrir une personne quand celle-ci ne savait même pas qui elle était réellement ? Il avait raison, elle n'avait pas le choix, aucun d'entre eux. Mais qu'entendait-il par la possibilité que certains blocards aient des mauvaises intentions ? Ils ne pouvaient rien faire dans un environnement clos, impossible d'éviter quelqu'un, ils devaient juste suivre les règles. Derek saisit ensuite une bouteille et bu directement au goulot. Malgré tout il s'excusa d'avoir posé une telle question, mais c'était évident qu'il attendait une réponse. « Tu te sentiras mieux après ça. » Il attrapa alors sa bouteille d'alcool et la tendit à la jeune femme.

La brune prit la bouteille et s'abreuva à son tour en avalant une grosse gorgée. Elle grimaça légèrement quand le liquide ambré coula et lui brûla le long de la gorge. Elle ne savait absolument pas ce que c'était, mais la boisson était assez forte. Elle afficha un petit sourire en remerciant le vampire et ingurgita de nouveau le breuvage, en finissant la bouteille d'un trait. « Tu sais quoi ? Je te laisse me poser toutes les questions que tu veux. » Elle se releva et alla chercher une autre bouteille dans la cuisine. La jeune femme fouilla dans les placards et ne tarda pas à trouver une bouteille entièrement pleine. Elle arbora alors un air enthousiaste. « On partage ? »

Le soleil n'allait pas tarder à montrer le bout de son nez d'ici une heure ou deux. C'était donc inutile de retourner se coucher bien sagement. Son nouveau plan ? Boire le reste de la nuit avec Derek. Sûrement pas la meilleure idée qu'elle ait eu, mais elle en avait besoin. Elle avala ensuite encore quelques gorgées et tendit la bouteille au jeune homme, un sourire malicieux plaqué sur les lèvres. « Si on s'amusait un peu maintenant ? » Juste l'envie d'oublier un instant leurs problèmes actuels.

Chanel saisit la bouteille et la finit. Elle se leva et l'encouragea à poser d'autres questions pendant qu'elle fouillait dans un placard, cependant, rien ne lui vint à l'esprit. Elle revint avec une nouvelle bouteille d'alcool et bu une longue gorgée. Elle avait l'air très enthousiaste, ce qui n'échappa pas à Derek. « On partage ? » Il haussa un sourcil, surpris de la soudaine assurance que montrait l'humaine, mais il accepta. Il n'avait jamais refusé un peu d'alcool.

Chanel avait reprit la bouteille et continuait à boire. Derek la regardait, amusé. Elle semblait avoir choisit le même chemin que lui. Certes, c'était le plus facile, il en n'était pas moins glissant. Cependant, Derek tiendrait beaucoup mieux l'alcool que la jeune femme, par son habitude et son organisme assez réceptif à ce genre de choses. « Si on s'amusait un peu maintenant ? » Chanel affichait un sourire malicieux, l'alcool était sûrement en train de se déverser dans ses veines. Derek reprit la bouteille qu'elle lui tendait et la porta à ses lèvres. Le picotement et la chaleur que le liquide apporta à son corps étaient tout bonnement exquis.

Il se tourna ensuite vers Chanel, elle semblait en bien meilleure forme que l'instant d'avant. « Tu ne m'accuseras pas pour ta gueule de bois... » Contre toute attente, la jeune femme rit à sa blague, et son rire étant communicatif, le vampire manqua de recracher sa gorgée. Ils continuèrent à rire et à s'échanger la bouteille pendant un petit instant. Derek se creusait la tête afin de trouver une occupation jusqu'au lever des autres blocards. Ils auraient l'air propres dans quelques heures. Après tout, il s'en fichait, Chanel étant une des premières personnes à qui il adressait vraiment la parole depuis son arrivée dans le Bloc. « J'ai un jeu. » Il prit la bouteille d'eau de Chanel et la plaça entre eux sur la table. Elle le regarda en haussant un sourcil. « On tourne la bouteille, ça tombe sur moi, je réponds à ta question. Et inversement. » C'était basique mais c'était tout ce qu'il avait trouvé. Il bu une gorgée d'alcool et tendit la bouteille à Chanel. « Si tu as autre chose, je suis preneur. »

Le soleil se montrait faiblement derrière le mur et le Bloc, signe qu'il leur restait à peu près une heure de tranquillité avant le réveil des blocards, une heure pour se prendre la cuite de leur vie.

Le jeu avait commencé. Ils savaient que ce n'était pas la bonne et la meilleure solution, mais ils pouvaient tout de même savourer l'instant présent. Juste deux jeunes personnes qui cherchaient une distraction, un passe-temps, et qui voulaient s'amuser rien qu'une heure. De plus, Derek semblait partager son idée. Il reprit la bouteille et accepta la proposition alléchante. Bien évidemment, en tant que vampire l'alcool n'allait pas faire l'effet espéré si rapidement contrairement à la jeune femme.

Chanel se mit à rire suite à la remarque du vampire. Bien sûr que si elle sera agacée le lendemain, elle ne pourra rejeter la faute que sur elle-même. « Tu ne m'accuseras pas pour ta gueule de bois... » Ils rirent de longues minutes en se passant tour à tour la bouteille. C'était agréable de pouvoir se divertir. Ce soir, c'était comme oublier les problèmes actuels, le Bloc, le Labyrinthe et tout ce qui allait avec. Chanel se mit ensuite à effectuer quelques pas de danse, en se tortillant dans tous les sens autour des tables du réfectoire. Elle ne tarda pas à monter sur le comptoir en enlevant son gilet qui la gênait pour exécuter ses amples mouvements. Elle chantonna tout en tournoyant sur elle-même, manquant de tomber à la renverse.

Derek la regarda d'un air moqueur et suggéra alors une proposition. « J'ai un jeu. » La jeune femme descendit du comptoir et reprit place aux côtés du vampire. Il prit alors la bouteille d'eau et la plaça entre eux sur la table. Sur le moment, elle ne pensa qu'au jeu de la bouteille. Mais à deux c'est beaucoup moins amusant, en embrassant alors toujours la même personne. « On tourne la bouteille, ça tombe sur moi, je réponds à ta question. Et inversement. » Déjà beaucoup plus sobre et rassurant. La brune contempla alors les prunelles émeraude du blocard, en relevant la tête. Il tendit la bouteille à Chanel qui approuva son concept avec vivacité.

Il leur restait encore environ une heure, alors autant en profiter un maximum. « Si tu as autre chose, je suis preneur. » Elle secoua la tête et attrapa la bouteille d'eau en s'asseyant en tailleur en face de lui. « C'est tentant, mais à seulement une condition, ne mens pas. » L'humaine afficha un large sourire et fît tourner la bouteille. Celle-ci tourbillonna quelques secondes, s'arrêtant alors, pointant la brune. Elle allait devoir attendre le prochain tour pour lui poser une question. « Je crois que c'est à toi de me poser une question, j'écoute. » Elle se fichait bien de la question qu'il pouvait lui poser. Dans tous les cas, elle répondrait avec sincérité.

La proposition ne sembla pas déplaire à Chanel, qui s'assit en face de lui. Elle instaura tout de même une condition. Être sincère. Ça ne posa aucun souci à Derek, qui dans tous les cas, n'avait rien à cacher. L'humaine saisit la bouteille et la fit tourner. Le bouchon s'arrêta sur elle, Derek ricana. « Je crois que c'est à toi de me poser une question, j'écoute. » Le vampire se sentit idiot tout d'un coup, il n'avait absolument pas pensé aux questions qu'il poserait.

Il bu quelques gorgées d'alcool et tendit la bouteille à la jeune femme. Après plusieurs instants de réflexion, et n'ayant pas trouvé mieux, il s'éclaircit la gorge. « Je ne sais pas... » Il se leva pour aller chercher un morceau de pain, espérant éponger un peu l'horrible goût qu'il avait dans la bouche. Il fallait le dire, la mixture de Gally était un vrai régal, mais il fallait passer sur la sensation immonde qu'elle laissait après son passage. Cependant, ça ne sembla pas perturber Chanel, qui continuait à boire.

Après avoir longuement mastiquer son morceau de pain rassit, il se réinstalla en face de l'humaine. Elle le toisa, attendant la question. Derek toussota pour s'éclaircir la gorge. « Quel est le garçon qui t'attire le plus dans le Bloc ? » Il récupéra la bouteille d'alcool et la porta à sa bouche, guettant la réponse de la jeune femme. Le temps qu'elle prenait à réfléchir lui laissait l'opportunité de trouver quelques questions plus... Intelligentes. Il espérait tout de même ne pas encore avoir manqué de tact, ça ne serait pas une première.

Ils avaient dit qu'elle n'arrêtait pas de prononcer son nom quand elle dormait. La semaine de l'arrivée de Thomas, la Boîte, censée apporter un nouveau blocard tous les mois, remontait à nouveau amenant pour la première fois une fille inconsciente, Chanel. Celle-ci passa les quelques jours qui suivirent dans un profond sommeil, avant de se réveiller brusquement et d'annoncer que le Labyrinthe était un code. Évidemment tout le monde refusaient de la croire et se méfièrent d'elle. Elle avait cependant parvenu à communiquer avec Thomas grâce à un lien inexplicable qui les unissait tous les deux. Il avait été le seul qui pouvait la comprendre, la soutenir. Il était la seule et unique personne en qui elle avait confiance au Bloc.

La jeune femme avait eu l'honneur douteux d'être la première fille qui était entrée entre ces murs. En tant que telle, elle était traitée comme une traîtresse plutôt qu'une personne comme une autre. Étant la seule défiance poussée dans le milieu d'un cinquantaine d'êtres masculins, les garçons étaient assez dangereux et suspicieux. Le fait que son arrivée avait déclenché une série d'événements mystérieux, cela n'avait pas arrangé les choses. Elle était devenue la menace et l'ennemi public numéro un pour certains d'entre eux. En fait, il était difficile de dire si la méfiance que les garçons montraient envers elle découlait de son arrivée déconcertante, ou bien simplement du fait qu'elle était une femme. Si elle avait été un garçon, pensez-vous qu'elle aurait été traitée de la même manière ? Ou aurait-elle été plus comme Thomas, acceptée mais seulement tolérée ? Elle se sentait rejetée, mais gérait cette situation avec grâce et courage. Elle ignorait en grande partie les regards curieux et soutenus, et semblait surtout concentrée sur Thomas en assemblant le sens de ses quelques souvenirs. Pour être franc, qui avait réussi à déchiffrer le Labyrinthe ? Allez, personne.

Dans tout cela, il y avait quelque chose de certain. Chanel et Thomas avaient dû être quelque chose, avant que leurs souvenirs ne s'effacent. Une connexion et une chimie grandissante grésillait quand ils étaient suffisamment proches pour se toucher, mais ni l'un ni l'autre ne savait se que ce type de chimie signifiait. Amitié ? Probablement. Romance ? Peu crédible. Ce qui rendait cette problématique embarrassante était leur désir de se retrouver proches, sans attirer l'attention des autres garçons. Thomas avait sûrement peur de ce qui arriverait si les autres jeunes hommes apprenaient qu'il avait une dévotion envers elle. Pour sa part, la brune gérait également ce lien, cherchant ouvertement Thomas pour parler des choses confortablement sans montrer aucun sentiment de gêne. Comme on pouvait le deviner, elle souhaitait juste aider les blocards à comprendre l'ensemble de l'énigme du Labyrinthe.

Derek buvait ensuite quelques gorgées du liquide ambré et semblait réfléchir à la question. Après avoir mâché un morceau de pain, il se lança enfin. « Quel est le garçon qui t'attire le plus dans le Bloc ? » Sa question paraissait stupide. De plus, il savait déjà la réponse. Et pour quoi il la prenait ? Elle n'était pas du genre à s'attarder sur les détails. Mais comme une imbécile, au lieu de trouver une solution pour s'échapper des ces quatre murs imposants, la voilà qui s'amusait avec un blocard. « Laisses-tomber, j'ai plus envie de jouer. » La brune n'avait pas l'esprit clair à cause de la boisson ingurgitée, et fît une mine faussement boudeuse. Elle se releva en titubant jusqu'au comptoir du réfectoire. « Autre proposition ? » Le soleil commençait doucement à montrer le bout de son nez à travers l'horizon.